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Ce que le Brexit a révélé

jeudi 11 août 2016

Le fossé entre les élites politiques, culturelles et économiques et le reste de la société ne cesse de s’élargir : multiforme, il passe géographiquement entre les métropoles et les zones périphériques, entre les jeunes générations et les plus anciennes, entre les diplômés de l’enseignement supérieur et ceux qui ne le sont pas.
Pratiquement, quel que soit le pays, toutes les élections récentes révèlent cette fracture qui se manifeste de diverses manières dans le résultat et la répartition des votes :
• taux d’abstention très élevé et en augmentation, particulièrement dans les
banlieues, chez les jeunes et les chômeurs
• progression inquiétante des partis d’extrême droite prônant le repli xénophobe (Front national en France, AFD en Allemagne, Donald Trump choisi par le parti républicain aux Etats Unis, FPÖ en Autriche, Aube dorée en Grèce b)
• vote massif pour des candidats dont le seul programme clairement annoncé est le remplacement des élus des partis qui se partagent le pouvoir depuis des décennies (Mouvement cinq étoiles en Italie).
Cette situation a des causes multiples :
La composition sociologique des assemblées ne correspond plus du tout à celle de la société. La perte de confiance des électeurs dans leurs élus qui ne respectent pas leurs promesses de campagne est illustrée de façon caricaturale par la façon dont s’est déroulé le référendum du Royaume Uni pour ou contre la sortie de l’Union Européenne : sitôt connus les résultats, un nombre important d’électeurs, dont une part non négligeable avaient voté pour la sortie ont signé une pétition demandant l’organisation d’un nouveau vote. Ils estiment qu’ils ont été trompés par les leaders politiques pro Brexit Boris Johnson et Nigel Farage notamment, qui ont avoué que certains de leurs arguments durant la campagne étaient des mensonges et se sont défilés en refusant d’assumer leurs responsabilités.
Ces électeurs qui écoutent les sirènes populistes et leur discours simpliste ont le sentiment d’être abandonnés par leurs représentants. Au fil des alternances politiques ils constatent qu’ils sont incapables de résoudre leurs problèmes, qu’il s’agisse du chômage, de la faiblesse de leurs revenus ou de la suppression des services publics dans les lieux où ils habitent, quartiers populaires urbains ou petites bourgades de province. Ils jugent très sévèrement la caste politique pour son inconscience qui se manifeste par son refus de la suppression du cumul des mandats, et de l’instauration de leur limitation dans le temps.
Le sentiment d’une société à deux vitesses est également très fort :
Depuis les années cinquante, chacun pouvait raisonnablement espérer que ses enfants vivraient mieux que lui. Aujourd’hui le niveau du chômage, la panne de l’ascenseur social et l’accroissement des écarts entre bas revenus et hauts revenus font redouter à beaucoup le déclassement de leurs enfants.
Comme le montre Thomas Piketti dans son livre « Le capital au XXIème siècle » les écarts de revenus et de richesse ne cessent de s’accroître au point que 1 % de la population mondiale possède 50 % de la richesse, pendant que les 50 % qui sont en bas de l’échelle possèdent moins de 5 % de cette richesse. Cette caste, sans y voir la moindre contradiction « se sert d’un même argument, la mondialisation, pour justifier l’abaissement du salaire des défavorisés et l’augmentation du salaire des riches » (interview récente de Jacques Julliard dans Libération).
Il plus qu’urgent de remédier à cette cassure entre la population et ceux qui se considèrent comme ses élites, pour éviter que la société se défasse et que tous les mécanismes de solidarité entre ses membres disparaissent. Pour cela de grandes réformes sont nécessaires, dans les domaines politiques et économiques.
Pour restaurer la confiance des citoyens dans leurs élus il est indispensable que leur représentativité devienne une réalité, cela suppose une réforme des modes d’élection, mais il faut aussi que les citoyens soient associés à l’élaboration des propositions en renforçant le rôle des corps intermédiaires et en mettant en place les structures qui permettent une véritable démocratie participative.
En ce qui concerne la cassure économique, les dirigeants politiques doivent prendre leurs responsabilités pour mettre les puissances financières au pas et imposer les règles indispensables pour organiser une répartition plus équitable des richesses.