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Projection du film : "Une femme iranienne"
jeudi 15 décembre 2022, par
Sidney Cadot-Sambosi (photo ci-dessous), journaliste à Guiti News, est venue au cinéma Arcel de Corbeil le 9 décembre, dans le cadre du Mois des 3 mondes, pour animer le débat en fin de séance du film "Une femme iranienne" :
La réalisatrice Negar Azarbayjani, est née en 1974. Diplômée en cinéma de l’université d’art de Téhéran, elle obtient une maîtrise en Arts visuels des medias à l’Emerson College de Boston. Elle commence sa carrière en réalisant des séries télévisées et comme monteuse. Après un rôle dans Nasl-E-Sookhte, de R. Mollagholi Poor, elle s’installe aux Etats-Unis. Elle réalise de nombreux courts métrages. Une Femme iranienne est son premier long métrage de fiction.
Elle réalise son deuxième film Season of Nargues en 2017.
Ce film s’inscrit dans une tradition de récits filmiques qui dénoncent les conditions des femmes en Iran et exposent leur réalité quotidienne, comme Persepolis (2007) de Marjan Satrapi, La lapidation de Soraya (2008) réalisé par Cyrus Nowrasteh et Ten d’Abbas Kiarostami (2002)
Le film brosse un double portrait de femme : Adineh, une femme transsexuelle forcée par son père, qui refuse sa transidentité, à épouser son cousin et Rana, une femme traditionnelle, obligée d’endosser la profession de taxi, à l’insu de sa famille, en plus de son travail salarié, pour éponger les dettes de son époux en prison à cause d’un associé malhonnête.
La réalisatrice explique que c’est à la suite d’une rencontre avec un.e voisin.ne transsexuelle, devenue une amie, qu’elle a l’idée du sujet de ce film. Son désir était de faire connaître la vie quotidienne des personnes transgenres confrontées à des préjugés moraux et religieux, écrasées par le poids des choix familiaux qui vont à l’encontre de leur identité et de leur façon de vivre, dans la majorité des cas.
Le titre original « Des miroirs face à face » ou « Face aux miroirs », selon les traductions possibles, exprime bien l’idée d’une rencontre fortuite et heureuse de deux femmes qui apprendront à se connaître, à reconnaître en l’autre des possibilités d’aimer, de désirer et d’être libre. En dépit de leur choix de vie radicalement différent, elles noueront des liens d’amitié très fort.
Ce film est aussi un miroir qui montre la réalité de la société iranienne tout en proposant une vision favorable à la liberté de chacun.e d’exprimer son identité de genre et son orientation sexuelle. Cette scène où le jeune fils de Rana sort dans la cour, vêtu comme une petite fille, avec les talons, le sac et le foulard de sa mère, et se fait aussitôt gronder fort par celle-ci, est un fin commentaire sur l’évolution difficile des mœurs. Rana arrive à accepter Adineh comme iel et à l’aider en l’hébergeant sous son toit, sous sa protection, mais ne conçoit pas que la transidentité s’immisce dans sa propre cellule familiale.
Point sur la condition des femmes en 2022, en Iran
Depuis 1983, la loi en Iran autorise la chirurgie de réassignation sexuelle et légitime juridiquement la transidentité depuis 1987, alors que l’homosexualité demeure criminelle depuis la révolution islamique de 1979. L’homosexualité est passible de la peine de mort depuis 1991, et encore aujourd’hui. Or, les personnes trans sont stigmatisées par la société et rejetées par leurs familles. La société est transphobe et homophobe. En conséquence les autorités par divers biais, forcent sous la contrainte les personnes homosexuelles à suivre des thérapies de reconversion et à avoir recours à des opérations de réassignation sexuelle. Alors que l’identité de genre est bien distincte de l’orientation sexuelle.
Ebrahim Raisi, ancien responsable du pouvoir judiciaire et très conservateur, est élu nouveau président en 2021. Les autorités ont interdit aux femmes de voter lors de cette élection.
L’âge légal à partir duquel une jeune fille peut se marier est fixé à 13 ans, mais les pères peuvent obtenir des dérogations pour marier leur fille plus jeune. Les viols conjugaux ne sont pas reconnus par la loi. L’adultère est puni par lapidation jusqu’à ce que la mort s’en suive.
En novembre 2021, la loi sur le « soutien à la famille et le rajeunissement de la population » entre en vigueur. Pour les femmes, cela signifie un accès à la contraception plus limité, des restrictions sur l’avortement et les dépistages (types VIH, hépatites, pré natals, etc.) deviennent facultatifs. Ce qui a pour conséquence une augmentation des avortements illégaux et l’augmentation du nombre de personnes atteintes d’anomalies congénitales, des cas de VIH, d’hépatites, etc.
En mars 2021, l’Iran interdit l’entrée sur son territoire au rapporteur spécial de l’Organisation des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des femmes.
L’Iran subit actuellement une crise économique et social qui impacte directement les femmes, surtout celles issues de minorité et celles qui appartiennent aux couches sociales les plus précaires.
L’inflation (le rial a perdu 82% de sa valeur) est due à la chute des cours de pétrole et aux sanctions économiques appliquées par l’administration Trump en 2018, dénonçant un accord nucléaire. Cela entraîne l’augmentation du prix des produits de première nécessité. Désormais, plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. La sécheresse gagne du terrain et l’accès à l’eau est de plus en plus difficile à cause du mauvais système de traitement des eaux usées et du réchauffement climatique.
Le 16 septembre 2022, Jina Mahsa Amini, une jeune femme kurde de 22 ans, est morte à Téhéran sous les coups de la Police des mœurs après son arrestation pour avoir mal ajusté son hijab. Ce meurtre brutal perpétré dans l’indifférence de l’État a provoqué une vague de soulèvements révolutionnaires dans tout le pays, mené par les femmes, les filles et leurs alliés qui se mobilisent contre le port du voile obligatoire (imposé depuis 1979).
En date du 7 décembre 2022, selon Iran Human Right, 458 personnes ont été tuées dont 11 officiellement condamnées à mort. Parmi eux 63 enfants et 29 femmes ont été tués dans les manifestations nationales en cours en Iran. Ces personnes sont essentiellement des membres de minorités ethniques ou religieuses.
Depuis le début de cette révolution, plus de la moitié des femmes ont ôté leur voile en criant : Femme, vie, liberté !
Rappelez-vous que la loi iranienne punit les femmes qui ne portent pas le voile à une peine de 20 ans de prison.
Le 7 décembre « journée de l’étudiant » en mémoire à trois d’entre eux qui avaient été tués en 1953, était le point d’orgue de l’appel à la grève générale. D’après les témoignages diffusés sur les réseaux sociaux, Instagram, Facebook, Tik Tok, les autorités ont réprimées les manifestations en tuant et arrêtant des innocent.es.
Avant septembre 2022, à l’unisson d’un peuple avide de se libérer du joug des mollahs, les cinéastes, les artistes et plus largement les femmes et les hommes de culture en Iran subissent intimidations, censures, arrestations et emprisonnements arbitraires. Le cinéaste Mohammad Rasoulof, réalisateur du film Le diable n’existe pas, avait déjà été arrêtée le 8 juillet 2022, en même temps que son collègue Mostafa Aleahmad. Venu s’informer sur leur situation, le réalisateur Jafar Panahi a, à son tour, été incarcéré dans la terrible prison d’Evin.
Mobilisation internationale des artistes
La campagne Des yeux sur l’Iran promue par des femmes iraniennes membres d’organisations comme Pour les libertés, Voix vitales ou la coalition mondiale Femme, vie, liberté est lancée le 28 novembre 2022. Elle s’efforce d’obtenir de l’Organisation des Nations Unies qu’elle expulse l’Iran de la Commission de l’ONU sur la condition de la femme, lors d’un vote attendu le 14 décembre 2022.
Plus d’informations ici : https://www.womanlifefreedom.today/eyes-on-iran/
Iranian artists Sheida Soleimani, Aphrodite Désirée Navab, Z, Icy and Sot, Shirin Neshat, Mahvash Mostala, Sepideh Mehraban, and Shirin Towfiq, alongside artists Hank Willis Thomas and JR
L’initiative FILMS FROM IRAN FOR IRAN rassemble des films réalisés par des femmes et des cinéastes non-binaires, de 1979 – année zéro de la dictature – à aujourd’hui, en donnant une place particulière aux films expérimentaux et documentaires. Traversé par des questionnements sur les départs forcés ou souhaités, l’idée du retour, les langues maternelles ou adoptées, les héritages proto-féministes ou féministes transmis par la famille ou en dehors, ce programme appelle à soutenir la lutte du peuple iranien.
Les films sont consultables sur ce site jusqu’au 4 janvier 2023 :
https://www.another-screen.com/films-from-iran-for-iran
Le film Une femme iranienne de Negar Azarbayjani est récompensé par :
– PRIX DU JURY POUR LE MEILLEUR FILM-2011 FESTIVAL DES FILMS DU MONDE DE MONTREAL
– PRIX DU JURY POUR LE MEILLEUR FILM-FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM LGBT DE SAN FRANCISCO
– GRAND PRIX - FESTIVAL DU FILM GAY ET LESBIEN DE PARIS
MEILLEUR LONG MÉTRAGE NARRATIF - AUSTIN GAY AND LESBIAN FILM FESTIVA)
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