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Huit Heures pour la Palestine 2017 et autour » à Evry et Corbeil-Essonnes

mercredi 10 janvier 2018, par Christine JOREL, Dominique PALLARES, Pierre LANGLOIS

Sur le double thème « S’engager et résister par l’art et la culture » et « 1917-2017, Cent ans de Dépossession », notre événement annuel pour la Palestine vient de prendre fin et c’est encore, cette année, un temps très fort que nous avons partagé en solidarité avec le peuple palestinien.

Il a commencé par une très belle exposition de la collection photographique de Ahmad Dari, « Palestine de 1880 à 1942 », à la Bibliothèque de l’Université Evry Val d’Essonne pendant 10 jours et qui s’est conclue par une rencontre avec Ahmad Dari, artiste palestinien de Jérusalem, le 30 novembre, au cours de laquelle il a expliqué l’histoire de la photographie palestinienne, née et développée très tôt à Jérusalem, l’origine de ces clichés et leur qualité résolument moderne. Enfin, il a évoqué son travail de recherche de nouveaux fonds et son espoir de réaliser un conservatoire de photographie, comme témoignage d’une Palestine historique, où peuples et cultures coexistaient en paix.

En présence de quelques 260 personnes, parmi lesquelles 9 conseillers municipaux dont la 1ère adjointe au maire d’Evry, le secrétaire départemental des Verts ainsi que Christiane Hessel, il s’est poursuivi à l’initiative d’Evry Palestine, le samedi 2 décembre de 14h30 à 23h, à la Maison Départementale des Syndicats d’Evry où le thème a été décliné en 5 séquences autour d’interventions qui se sont complétées.

En introduction, remerciements aux syndicats FSU91 et UD-CGT91, représentés respectivement par Jean-Baptiste Hutasse et Olivier Champetier qui accueillent les Huit heures depuis 2009. La FSU a participé à la campagne sur les livres scolaires et l’histoire de la question palestinienne et la CGT s’est engagée dans la campagne dénonçant les investissements de 5 banques françaises dans les colonies israéliennes, pratiques dénoncées par le Droit International.
Les 2 syndicats sont en âpres négociations avec le Conseil départemental pour pouvoir continuer à résider dans ces locaux et programmer des manifestations citoyennes comme la nôtre. Nous soutenons leur revendication.
Autres remerciements aux associations présentes aux Huit Heures : ACAT, Artisans du monde, ATL Jenine, ATTAC Centre Essonne, BDS France, CCFD, CVPR PO, la Maison du Monde Evry, les Amis du Monde Diplomatique, les Amis d’Al Rowwad, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Olivier-AFPS Corbeil-Essonnes, MRAP 91, Union Juive Française pour la Paix.

Palestine, terre d’Histoire, terre d’un peuple : avec les intervention d’Ahmad Dari qui réaffirme que ses photographies sont là pour prouver que la Palestine n’a jamais été une terre sans peuple et Hussein Madina, jeune archéologue palestinien, dont l’exposé a porté sur l’histoire de l’archéologie palestinienne, la richesses des sites de son pays et les difficultés à exercer ce métier en raison de l’occupation et de la volonté politique israélienne de s’emparer des fouilles pour s’approprier le terrain et souvent détourner le sens des découvertes vers une interprétation « biblique » qui voudrait prouver présence juive prédominante. Il a pris l’exemple des fouilles à Sébastia, village de Cisjordanie, prises en main par les israéliens qui ont détruit une partie des maisons. Autre exemple, près de Gaza, à Tel Es Sakam, où les faibles moyens dont disposent la recherche palestinienne n’ont pas permis de sauver de l’urbanisation ce site d’une grande valeur sur la route des migrations millénaires entre l’Asie et l’Afrique.

Ensuite, « La bande des sables émouvants » : Hilal, Léo et Tom nous a captivés et profondément touchés avec « Rita », intermède théâtral créé pour les Huit Heures, autour de poèmes de Mahmoud Darwich.

Puis l’’exposé d’Amina Hamshari, co-fondatrice et directrice de l’Institut Culturel Franco Palestinien, sur la présentation de son travail pour la promotion de l’expression artistique contemporaine palestinienne, riche de sa diversité et de son expression dans une société fragmentée.
Musique, poésie, arts graphiques, danse, cinéma et arts visuels en cohérence avec l’évolution de la société palestinienne. Pour favoriser les échanges artistiques et le dialogue interculturel, le développement du jeune festival mais néanmoins déjà réputé « Palest’In & Out » qui a débuté à Paris en 2015 et commence à s’exporter à l’étranger. Au programme, spectacles, expositions résidences et master classes autour et avec les artistes contemporains palestiniens invités. Rendez-vous pour sa 3e édition au Palais de Chaillot en Juin 2018.

M. Elias Sanbar, ambassadeur de Palestine auprès de l’UNESCO, écrivain, historien et membre du Conseil National Palestinien, nous a exposé ses actions dans cette institution internationale pour la préservation du patrimoine palestinien.
Il nous a parlé d’abord du combat pour que la Palestine soit reconnue comme Etat membre à part entière : cela s’est passé par un « jeu d’écriture » où il a fallu bannir l’appellation « les territoires palestiniens » - qui évoque des entités éparses - pour « le Territoire Palestinien » qui renvoie à l’unicité géographique, à la notion de peuple, de nation et du droit de ce peuple à l’autodétermination.
Territoire et peuple sont des permanences dans l’Histoire, l’occupation, elle, ne sera pas éternelle. Cette reconnaissance met sur un pied d’égalité la Palestine avec tous les autres pays. Et le vote de la France en faveur de l’adhésion de la Palestine a été déterminant car il a entraîné beaucoup de pays dans son sillage.

À partir de là a pu commencer la bataille pour le classement de sites palestiniens les plus fragilisés sur la liste du Patrimoine mondial de l’Humanité .
Pour obtenir le classement sur la liste, il faut que le site ait une valeur universelle, qu’il se situe en territoire souverain ou bien qu’il soit en péril.

Le péril, en Palestine, c’est l’occupant. La protection, c’est le classement sur la liste des sites car Israël s’est engagé à respecter, en la ratifiant, la charte de l’UNESCO et la Convention de protection du patrimoine mondial.

Si Israël ne respecte pas les résolutions de l’ONU, c’est aussi parce que la Palestine n’y est pas reconnue comme Etat membre. La reconnaissance implique la souveraineté et obtenir cette reconnaissance est une lutte prioritaire qu’il faut poursuivre.

La première victoire a été le classement du village de Battir, au sud de Jérusalem dont le système d’irrigation, qui remonte à la présence romaine, était menacé par la construction du mur de séparation israélien. Il fut sauvé in extremis d’une mutilation certaine.
Puis, à Bethléem, le classement de la Basilique de la Nativité, d’une grande richesse historique, qu’il fallait protéger de la convoitise coloniale ; puis cet été, ce fut une dure bataille pour obtenir que la vieille ville d’Hébron, d’architecture mamelouk, et le tombeau des Patriarches communs aux 3 religions monothéistes, soient classés et cette bataille a été gagnée. Cela ne règle pas le sort des Palestiniens sur place, la présence de colons ultra violents et de l’armée d’occupation qui paralyse toute vie sociale et économique mais il ne sera pas possible de revenir sur la souveraineté palestinienne sur les lieux, même si aujourd’hui cette souveraineté n’a pas les moyens de s’exercer.

M. Sanbar se prépare à lancer l’offensive pour d’autres sites  : Saint Hilarion dans la bande de Gaza, grand lieu de pèlerinage byzantin lors des premiers siècles, Naplouse et Jéricho, ville où ont été mis à jour les vestiges d’une ville omeyade avec une mosaïque de 750 m2.

Il nous a ensuite invités à ne pas enfermer la culture palestinienne dans l’expression traditionnelle de son folklore et son artisanat et à promouvoir absolument la création artistique contemporaine palestinienne, ancrée dans notre temps et meilleure garante de l’intégration de la nation de Palestine dans le paysage mondial.
Du débat avec la salle qui a suivi, retenons l’analyse que fait M. Sanbar du retrait des USA de l’UNESCO : il est lié à un repli protectionniste car ils sont redevables depuis 2011 de 550 millions de dollars à cette instance ; ils n’ont pas averti Israël de leur décision mais celui-ci leur a emboité le pas. L’élection récente de Mme Audrey Azoulay au poste de Directrice Générale lui paraît positive car la position française compte énormément pour beaucoup d’Etats.
Enfin, considérant la stratégie du pas à pas pour faire reconnaître la souveraineté palestinienne sur son territoire, il pense que le passage par deux États est la meilleure solution actuellement, en envisageant qu’elle peut aussi être transitoire.

Enfin, les interventions sur le thème des Huit Heures se sont terminées par celle du peintre palestinien Shadi Alzaqzouq, en France depuis 10 ans, qui nous a présenté son travail d’artiste profondément impliqué dans les sujets concernant nos sociétés ; il a commencé son intervention en exprimant sa solidarité avec les Africains victimes d’esclavage en Lybie, pays où il est né avant de s’exiler avec sa famille en Egypte puis à Gaza. Et il nous a évidemment fait partager sa résistance en tant qu’artiste, palestinien, punk, en exil, avec des mots simples et bouleversants.

Pour parler de la campagne BDS, une présentation du livre d’Eyal Sivan, réalisateur israélien, « Un boycott légitime » co-écrit avec Armelle Laborie qui explique la nécessité d’un boycott universitaire et culturel. Pour eux, « la vitrine culturelle israélienne, comme le prestige international de l’université israélienne, masquent une tout autre réalité : les liens entre cette université et l’institution militaire, le rôle de l’université dans la recherche de nouveaux outils de combat et de renseignement, la discrimination des étudiants palestiniens, l’absence de protestation contre les guerres menées à Gaza »… Nous regrettons que son emploi du temps n’ait pas permis à Eyal Sivan de répondre à notre invitation, mais nous aurons sûrement une autre occasion de la renouveler.

La dernière séquence de cette journée a été consacrée aux Campagnes de l’AFPS :

Le Président d’Evry Palestine, Pierre Langlois, a rappelé les points forts de notre campagne « 1917-1947-1967-2017, Cent ans de dépossession » où l’on constate, cartes à l’appui, la poursuite incessante d’un processus colonial qui fait que de la Palestine de 1917 il ne reste que 10% en 2017 concédés aux Palestiniens.

Nous avons bien sûr, en tant qu’association membre du comité de soutien à Salah Hamouri, insisté sur notre campagne « 100 jours d’incarcération, 100 jours d’injustice, Salah Hamouri doit retrouver la liberté »  :90 cartes postales et 60 signatures envoyées à M. Macron le soir même de notre évènement, lui demandant d’agir fermement pour la libération de Salah.

Bertrand Heilbronn, Président de l’Association France Palestine Solidarité, a exposé les 7 priorités nationales de l’AFPS pour l’année 2018 :
 la reconnaissance de l’Etat de Palestine par l’ONU,
 l’arrêt des relations économiques avec les colonies israéliennes,
 la levée du blocus de Gaza
 la libération des prisonniers politiques palestiniens,
 la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël,
 le règlement de la question des réfugiés palestiniens,
 le développement d’une démarche citoyenne face aux amalgames et ingérences communautaires.

Un dîner moyen-oriental a conclu cette passionnante journée.

Le 3 décembre a marqué la fin des « Huit Heures pour la Palestine », par la projection de deux films palestiniens au cinéma l’Arcel de Corbeil, à l’initiative de L’Olivier AFPS Corbeil-Essonnes dont Jacques Picard, son président, a introduit les séances. Le premier film, « Le Chanteur de Gaza », est l’histoire de Mohammed Assaf, jeune chanteur de Gaza et grand gagnant du concours « International Arab Idol » en 2013. Reçu avec plusieurs autres jeunes par M. Valls à Evry en 2003, dans le cadre du jumelage avec le camp de réfugiés de Khan Younis de Gaza, nous avions tous été ému par la voix de ce jeune chanteur en devenir. Le deuxième film, « On récolte ce que l’on sème », retrace le parcours du réalisateur Alaa Ashkar, Palestinien d’Israël, sur son identité palestinienne, identité fracturée, volontairement étouffée et implacablement menée vers l’oubli par l’État d’Israël. Mais pas inexorablement. La racine de l’identité transperce la terre, resurgit à nouveau et refleurie… Toujours, envers et contre tout.


Voir en ligne : EVRY PALESTINE